Par: Nathalie Labonté;

       Conseillère en communication;

       Institut national de santé publique du Québec;

       21 novembre 2017.

Colloque sur la santé et la qualité de l’air

Le 19 octobre dernier avait lieu à Québec un colloque sur la santé et la qualité de lʼair. Organisé par lʼAssociation pour la prévention de la contamination de lʼair et du sol (http://www.apcas.qc.ca/), de même que lʼéquipe de Ça marche Doc! (http://camarchedoc.org/), lʼévénement a réuni plusieurs experts des milieux de la santé, de lʼenvironnement et de lʼingénierie au Centre de recherche industrielle du Québec. Le colloque comportait des présentations et un panel de discussions dont voici les idées en résumé.

Environnement et santé cardiaque 

Pour le cardiologue François Reeves, le milieu dans lequel nous vivons s’avère être un facteur de risque puissant mais aussi hautement modulable, quand il est question de maladie cardiovasculaire. « Nous réalisons que la révolution industrielle a introduit des additifs alimentaires nocifs et des émanations de combustibles fossiles auxquels nos ancêtres pré-anthropocènes n’étaient pas exposés, explique-t-il. En effet, les maladies coronariennes étaient inhabituelles chez l’humain avant 1850. De nos jours, la maladie vasculaire est mineure dans les communautés vivant à l’extérieur du monde industriel et chez l’animal. »

« Non seulement les polluants de combustibles fossiles et les additifs alimentaires industriels ont-ils une toxicité directe sur nos vaisseaux sanguins, provoquant l’athérosclérose, la thrombose et le dysfonctionnement du système nerveux autonome, mais ils induisent également les facteurs de risque dits classiques soient l’hypertension, le diabète, la dyslipidémie et même l’obésité », poursuit-il. Selon le cardiologue, l’athérosclérose s’explique par ce que je suis – le cholestérol, l’hypertension et le diabète – ce que je fais – la sédentarité, l’obésité et le tabac – et où je suis suis – l’environnement, l’alimentation et l’urbanisme. Pour vivre l’être humain est en constante interaction avec son environnement, consommant chaque jour un kilogramme de nourriture, 2 kg de liquide et, on l’oublie souvent, jusqu’à 10 à 20 kg d’air, nous rappelle-t-il.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 7 millions de décès dans le monde sont attribuables à la pollution aérienne, soit 1 décès sur 8 en 2012. Celle-ci est devenu le tueur numéro un, bien au-delà du SIDA, de la malaria et d’Ebola réunis. Une récente mise à jour du Lancet Commission estimait qu’en 2015, c’est 9 milions de décès prématurés en raison de la pollution croissante. Au Canada, les maladies attribuables aux causes environnementales ont engendré plus de 20 000 décès excédentaires, dont les deux tiers sont de type cardiovasculaire.

Par ailleurs, la présence d’espace vert et de végétaux dans les cités diminue fortement l’impact des polluants et des fluctuations climatiques en hausse. Les scientifiques observent dans les milieux verts une diminution significative des évènements cardiovasculaires, particulièrement chez les populations défavorisées, constate François Reeves.

« Une cité « cardioprotectrice » se doit d’éliminer les nanoagresseurs aériens et alimentaires et viser une canopée urbaine optimisée comme élément de mobilier urbain durable, de même que le transport actif et les activités extérieures pour ces citoyens. Après tout, la maladie coronarienne était rare avant 1830. Pourquoi ne pourrait-elle pas le redevenir en 2050? C’est le défi auquel nous faisons tous face! », conclut-il, citant le Dr Salim Yussuf, cardiologue et épidémiologiste ontarien.

Un développement à l’échelle humaine

Pour le médecin de santé publique Stéphane Perron, l’enjeu de la pollution atmosphérique dans les grandes villes québécoises est avant tout un enjeu d’habitation. Les villes conçoivent encore un aménagement urbain basé sur l’automobile. « Il faut revenir à une conception des villes à l’échelle humaine, comme cela se faisait avant l’apparition de l’automobile, dénote-t-il. Par exemple, les Européens avec ce modèle de développement se portent beaucoup mieux au plan cardiovasculaire. Même constat à Montréal, « quand on se promène dans les quartiers centraux, tout est accessible à pied. On y observe moins d’impacts sur la santé des gens ».

« Même si la situation de la qualité de l’air s’améliore avec l’automobile électrique, « la société ne s’en sortira pas quand même, croit-il, car le modèle de développement, basé sur l’automobile, amène beaucoup d’inactivité et de perte de temps.  Si les gens réduisent leur temps de déplacement, ils auront davantage de temps pour d’autres activités comme cuisiner ; cela leur permettra aussi d’éviter de consommer du fast food et on aura beaucoup moins de traumatismes liés aux accidents de la route. »

Les bioaérosols et la pollution atmosphérique

Experte en bioaérosols, Caroline Duchaine étudie le contenu biologique dans l’air, soit les virus, les bactéries et les moisissures au sein d’environnement intérieur. « Les scientifiques commencent à peine à savoir à quoi nous sommes exposés dans l’air intérieur, alors que dans l’air extérieur, c’est encore moins connu », relate cette chercheuse de Québec. L’impact de la pollution sur le devenir, la survie et le transport des agents infectieux dans l’air extérieur et dans les populations qui vivent beaucoup de promiscuité devrait faire l’objet de plus de recherche dans les prochaines années. » Par exemple, comment détecter les virus de l’influenza chez les gens qui transitent dans les transports publics ? Le défi pour la chercheuse : développer des méthodes d’échantillonnage portatives.

Une des seules québécoises à faire de la recherche intensive sur les bioaérosols, Caroline Duchaine plaide pour un rapprochement entre les spécialistes de la pollution de l’air et ceux du domaine des bioaérosols.

L’homme qui plantait des arbres

Certains trouvent que la lutte contre les changements climatiques et celle contre la pollution de l’air constituent des chemins difficiles à prendre et nécessitent encore beaucoup de recherche. Pour sa part, Pierre Gosselin, médecin-conseil à l’INSPQ pense que ces deux problématiques sont des amies naturelles et que toutes les solutions existent déjà.

« Bien choisir l’endroit où l’on vit dans une ville, bien calculer ses dépenses pour choisir son mode de transport, constitue une solution à l’échelle individuelle, résume-t-il. Malheureusement, les citoyens sont presque qu’exclusivement exposés à des publicités des grands manufacturiers automobiles qui vantent les modèles énergivores. Aucune publicité ne véhicule les messages de santé publique quant aux risques de la pollution atmosphérique et, très peu d’entre elles, les solutions que représentent les transports collectifs et actifs notamment. »

La présence d’arbres sur un territoire fait aussi partie de la solution pour le médecin de santé publique. « Un grand arbre peut absorber jusqu’à 360 kg de CO2 par an ; dans la région métropolitaine de Montréal : les arbres absorbent les émissions de carbone de plus de 100 000 voitures par an ». Cette canopée vient également contrer les effets négatifs des îlots de chaleur.

« Quand les villes possèdent une bonne proportion d’arbres, d’espaces verts et une certaine connectivité entre ces mêmes segments verts, les scientifiques ont démontré que leurs citoyens ont davantage le goût de marcher, poursuit Pierre Gosselin. Il y a un comportement psychologique à rechercher pour la lutte à la pollution atmosphérique, et celle contre les changements climatiques. Les aspects comportementaux sont très importants. » Autre fait intéressant : New York ou Toronto, qui gèrent leurs services de santé et de service social, investissent de 5 à 10 fois plus en verdissement et connectivité que Montréal ou Québec.

Des situations à éviter

« Au Québec, l’exposition à la pollution atmosphérique est maximale quand une personne est assise dans son auto dans le trafic, relate Pierre Gosselin. S’il mange des croustilles en plus, il multiplie son risque de développer des problèmes de surpoids avec les conséquences cardiovasculaires ou diabétiques… Le chauffage au bois est aussi très dommageable pour la qualité de l’air et la santé. »

Le cardiologue François Reeves voit la pollution atmosphérique comme étant la fumée secondaire des villes. Il fait ainsi une analogie avec le tabagisme. « Pour la pollution chronique urbaine, c’est le tabagisme secondaire qui m’a allumé, se souvient-il. J’ai arrêté de fumer beaucoup plus à cause des autres que de moi. Il y a 10 ans, je n’aurais pas pensé que la dégradation de la qualité de l’air pourrait avoir un si grand impact sur la santé humaine. »

Selon Scott Weichenthal, épidémiologiste à l’Université McGill, qui a étudié les effets à la santé des particules fines en suivant des cyclistes à Montréal, les sources de pollutions les plus importantes constituent les gros véhicules au diesel. Des solutions existent à ce chapitre du côté de l’ingénierie.

Des outils pour les villes

En ce qui concerne les solutions pour les villes. Christian Savard de Vivre en ville a exposé la stratégie De meilleures villes pour un meilleur climat (https://vivreenville.org/villesclimat). D’ici 2030, le Québec doit réduire d’au moins 37,5 % ses émissions de gaz à effet de serre. « Alors que l’effort portera essentiellement sur les secteurs des transports et du bâtiment, les villes joueront un rôle primordial dans la lutte contre les changements climatiques – d’autant plus qu’elles devront, dans le même temps, absorber une croissance de 400 000 nouveaux ménages », estime-t-il.

L’aménagement urbain y joue un grand rôle. À cet égard, M. Savard a comparé les villes d’Atlanta et de Barcelone. Les deux agglomérations ont sensiblement le même nombre d’habitants. Toutefois, la cité américaine, beaucoup plus étendue en superficie, émet 7,5 tonnes de CO2 par habitant annuellement pour les transports, alors que Barcelone se limite à 0,7 tonne.

Ismaël Eychenne du Réseau Action climat de France a présenté le guide Les villes « respire » de demain (https://reseauactionclimat.org/publications/repenser-mobilite-urgence-climatique-sanitaire/). Celui-ci s’adresse aux décideurs locaux qui souhaitent s’investir dans la construction d’une politique de mobilité plus soutenable, avec une approche transversale et multimodale. Il propose de nouveaux leviers d’actions pour mieux réguler l’usage des véhicules motorisés et polluants qui causent de nombreuses nuisances en ville et pour privilégier les mobilités alternatives.

Impacts économiques

Chercheur à l’International Institute of Sustainable Development (IISD) basé à Winnipeg, Robert Smith a estimé à 36 milliards de dollars les coûts de la pollution aérienne (https://www.iisd.org/library/cost-pollution-smog) pour les soins de santé et d’invalidité au Canada. Il s’est aussi intéressé notamment aux dommages des infrastructures, à la perte de valeur des propriétés et de jouissance liés aux conditions climatiques extrêmes.

Finalement, les coûts économiques des changements climatiques sur la santé humaine seront très importants, conclut Laurent Da silva, économiste chez Ouranos. Ce dernier

a présenté les coûts de l’augmentation des pollens allergènes, des vagues de chaleur, des maladies infectieuses telles que la maladie de Lyme et le virus du Nil occidental, des inondations, de l’érosion des berges en Gaspésie et des feux de forêt pour l’État québécois et la société.

Nathalie Labonté

Conseillère en communication

Institut national de santé publique du Québec

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